L’auteur
Découvert en 2008 avec la parution de Polichinelle, un roman coup de poing sur une bande d’adolescents jurassiens tuant le temps entre le lycée, les histoires d’amour balbutiantes et les soirées arrosées (jusqu’au drame qui bouleversera leur vie), Pierric Bailly a depuis publié une demi-douzaine de livres dont se dégagent une géographie précise – le Jura, terre de son enfance et terreau de son œuvre – autant que des motifs récurrents – l’étrangeté du monde extérieur, la paternité, les moments de basculement d’une vie, les souvenirs d’enfance, la captivité. Avec L’Homme des bois, il donnait un récit de deuil bouleversant centré sur la mort de son père retrouvé au pied d’une falaise dans la forêt jurassienne. Un rapport à la transmission et à l’héritage que l’on retrouvait dans des romans comme Les Enfants des autres ou Le Roman de Jim, où il mettait en scène un homme élevant le fils de sa compagne comme si c’était le sien, jusqu’au retour du père biologique et la rupture avec le jeune garçon. Des enjeux qui sont de nouveau au cœur de son dernier roman, La Foudre, avec la déflagration provoquée dans la vie d’un berger solitaire par la réapparition de son ami d’enfance, dont il apprend dans le journal qu’il est accusé de meurtre…
Le livre
Julien – alias John, comme était surnommé son grand-père – vit harmonieusement son existence de berger dans le Haut-Jura entre le quotidien de son troupeau, le lien puissant à la nature et les visites de sa compagne, qui souhaite ardemment le faire quitter ce décor pour s’installer sur l’île de la Réunion. La lecture d’un article sur un ami d’enfance (plus qu’un ami, un modèle !) prénommé Alexandre, arrêté, jugé et incarcéré pour un meurtre violent, va faire voler en éclats cet équilibre apparent et remettre en cause la vie de John dans ses fondements mêmes. Obsédé par cette histoire, il va enquêter sur le destin d’Alexandre, dont le caractère ne laissait en rien présager d’un parcours aussi tragique. Il va aussi «prendre la foudre» en rencontrant Nadia, la compagne d’Alexandre, avec qui il développe une relation passionnelle et ambigüe, jusqu’à la sortie de prison de celui qu’il considérait jadis comme un frère… Réflexion sur la puissance des amitiés adolescentes, méditation sur le couple et la passion, mais aussi sur les coups de tonnerre qui ponctuent une existence, La Foudre est aussi un grand roman sur le lien à la nature, sur la solitude, et sur les bifurcations des destins, entre la fidélité et la trahison, l’amour et la haine, la zone de confort et le goût du risque.
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La constellation
La première référence à laquelle on pense lorsqu’on parle du nouveau roman de Pierric Bailly serait celle d’un écrivain qu’il admire passionnément et qui est sans doute le symbole absolu de ce qu’on nomme aux États-Unis le «nature writing», c’est Jim Harrison, l’auteur de romans cultes comme Dalva ou La Route du retour. Mais nous pourrions aussi citer Marie-Hélène Lafon, dont l’œuvre ancrée dans un autre territoire (Le Cantal) met très souvent en scène, comme c’est le cas dans les romans de Pierric Bailly, des personnages ordinaires, des gens de peu, des vies minuscules, avec un regard d’une grande justesse. Des affaires de famille, aussi, comme c’est le cas dans Histoire du fils notamment… Dernière référence, celle d’un autre auteur de la maison P.O.L, en l’occurrence Emmanuel Carrère, avec qui il partage le goût de l’étrangeté (Les Enfants des autres pouvait évoquer à sa manière le travail fait par Carrère dans La Moustache) et la mise en scène clinique du réel – la scène du procès de La Foudre pouvant nous rappeler, à certains égards, le livre exceptionnel d’Emmanuel Carrère sur la figure de Jean-Claude Romand, L’Adversaire. Mais l’écriture de Pierric Bailly, tellement singulière, ne ressemble à aucune autre…
– Jim Harrison :
Dalva, 10/18, 1991 – rééd. Poche, 2022
La Route du retour, 10/18, 2000
– Marie-Hélène Lafon, Histoire du fils, Buchet-Chastel, 2020 – réed. Folio, 2022
– Emmanuel Carrère :
L’adversaire, P.O.L, 1999 – rééd. Poche, 2001
La Moustache, P.O.L, 2005 – rééd. Folio, 2020
– Pierric Bailly, Les Enfants des autres, P.O.L, 2020