L’auteur
Né au Maroc en 1971, vivant en France depuis l’âge de sept ans, Rachid Benzine est d’abord un intellectuel avant d’être un romancier. Politologue, islamologue, il est l’auteur de nombreux ouvrages qui cherchent à faire dialoguer les religions, dont Des mille et une façons d’être juif ou musulman, écrit en collaboration avec Delphine Horvilleur. Il est par ailleurs l’auteur de cinq romans publiés aux éditions du Seuil, parmi lesquels Ainsi parlait ma mère, un huis-clos bouleversant entre une mère marocaine, exilée en Belgique, que son enseignant de fils accompagne jusqu’à la fin de sa vie en lui lisant sans relâche son livre de chevet, La Peau de chagrin, d’Honoré de Balzac. Un livre qui fait directement écho à son nouveau roman, Les Silences des pères, dans lequel il explore la figure paternelle, symbole de l’immigration marocaine de première génération…
Le livre
En rupture avec son père depuis plus de vingt ans suite aux drames qui ont marqué leurs existences, Amine est de retour à Trappes, dans sa ville d’enfance, au moment de la mort de celui qui est depuis toujours plongé dans un mutisme assourdissant. Dans l’appartement familial, il découvre des cassettes audio dans lesquelles celui-ci se raconte comme il ne l’a jamais fait dans la vie réelle : c’est à partir de cette voix d’outre-tombe qu’Amine, devenu pianiste de renommée internationale, va redécouvrir son histoire, autant que celle d’une génération de travailleurs immigrés marocains arrivés en France dans les années 60. Il entreprend alors un voyage sur les traces de ce père, des mines de charbon du Nord de la France aux camps de harkis de Saint-Laurent-des-Arbres en passant par les usines Lip de Besançon. Une quête qui lui permettra de découvrir le parcours d’un homme en exil, et de combler les récits manquants d’une génération de taiseux solitaires, entre travail acharné, relations amicales puissantes et histoires d’amour avortées. Un roman bouleversant, aux frontières de l’autobiographie et du récit documentaire, qui éclaire autant l’histoire familiale que celle de la société française de la deuxième partie du 20ème siècle.
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La constellation
La première référence de Les Silences des pères est une référence musicale qui court tout au long du roman et reflète les choix narratifs de l’auteur. Il s’agit du concert que Keith Jarrett, immense pianiste de jazz, donna à Cologne en 1975 sur un vieux piano non réglementaire qui l’obligera à contourner ses failles dans une improvisation devenue culte. Un symbole puissant du parti pris littéraire de Rachid Benzine, entre réalité et fiction, récits manquants et invention des souvenirs, écriture de soi et tension romanesque. L’autre ombre tutélaire de ce beau roman est celle que Rachid Benzine a choisi de placer en exergue du livre comme un écho à son entreprise. Il s’agit de Moon Palace, un roman de l’écrivain américain Paul Auster, consacré à la figure paternelle. Dernier écho, plus historique celui-ci, avec le lien que nous pouvons tisser entre Les Silences des pères et le roman graphique de Daniel Blancou, Retour à Saint-Laurent-des-Arabes, dans lequel ce dernier explorait la réalité d’un camp de harkis à travers le regard de ses enseignants de parents, aux frontières des vies minuscules et de la grande histoire.
– Paul Auster, Moon Palace, Poche, 1990 – rééd. Actes Sud, 2017
– Daniel Blancou, Saint-Laurent-des-Arabes, Delcourt, 2012
– Keith Jarrett, The Köln Concert, enregistré à l’Opéra de Cologne, en Allemagne, en 1975.