L’auteur
Écrivain belge, auteur de six romans et de livres pour la jeunesse, Charly Delwart a aussi été scénariste pour le cinéma et plusieurs séries TV. Son œuvre littéraire s’est toujours caractérisée par une grande inventivité formelle et par un savant mélange de profondeur et de légèreté dont témoigne le titre de son premier roman, L’Homme de profil même de face (Seuil). Dans Databiographie, il livrait un autoportrait intime bourré d’autodérision en explorant toutes les données (les datas, donc) de son existence à travers des graphiques, des diagrammes, des listes, des schémas… Le Grand Lézard poursuivait cette manière d’autofiction avec un alter ego romanesque en pleine crise de la quarantaine qui tentait de répondre à la question subsidiaire : « Est-ce qu’une crise vécue à quarante ans est forcément une crise de la quarantaine ? » Que ferais-je à ma place ?, un roman aux allures de quiz existentiel, reprend le mode interrogatif avec une multitude de questions philosophiques, triviales, prosaïques ou métaphysiques dont les réponses esquissent un portrait touchant, ludique et littéraire d’un écrivain irremplaçable qui, en parlant de lui-même, parle aussi de nous.
Le livre
Un quiz existentiel donc, qui prend la forme d’un questionnaire à choix multiple dont voici un exemple glané au hasard des pages: « Je cherche à résumer ma vie comme s’il s’agissait du pitch d’un film. Quel genre cinématographique est-ce ? Un film d’action / Une comédie absurde / Un drame intimiste / Un documentaire animalier.» La réponse choisie (on vous laisse deviner !) sera ensuite développée par l’auteur sur quelques pages dans des micro-récits qui évoquent des enjeux aussi variés que le rapport aux origines, à l’héritage familial, à la paternité, à la foi, à la politique, à l’angoisse d’être au monde et à la peur de vieillir, le tout avec un humour absurde aux faux airs de politesse du désespoir. Un exercice de style moins léger qu’il n’en a l’air, qui est aussi l’autoportrait d’un écrivain qui croit en la littérature malgré les doutes, la vanité du geste et la peur du lendemain, et dont les failles disent tellement de notre condition qu’elles constituent une sorte de miroir tendu à l’universel de nos existences. Comme il le dit lui-même dans son prologue, le roman de Charly Delwart est aussi, quelque part, un jeu de rôle(s), « un questionnaire existentiel en temps réel, un concours à échelle du monde dont on est chacun le seul participant ».
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La constellation
Adepte des dispositifs narratifs inventifs et de l’écriture de soi, Charly Delwart s’inscrit presque naturellement dans la filiation d’un artiste qu’il admire beaucoup, et dont l’Autoportrait est devenu culte. Il s’agit bien sûr de l’écrivain et photographe Edouard Levé, décédé en 2007 (un nouveau volume d’Inédits a été publié chez P.O.L en 2022), qui a inspiré de nombreux écrivains, parmi lesquels Thomas Clerc, dont la démarche résonne à certains égards avec celle de Charly Delwart. On pense notamment à Intérieur, où Thomas Clerc donnait un autoportrait singulier en procédant à la description exhaustive, presque obsessionnelle, de l’ensemble de son appartement, ou à Paris, musée du XXIème siècle, dans lequel il décrivait sans angles morts le 10ème arrondissement de Paris comme une tentative pérecienne d’« épuisement » de son propre « lieu parisien ». Dernier écho, plus subjectif celui-ci, avec un écrivain dont l’humour, l’intelligence et l’érudition sont toujours allés de pair, et qui partage avec Charly Delwart le goût des mots et le sens de la formule, j’ai nommé Eric Chevillard et son inégalable L’Autofictif, vrai faux journal de bord à la dent dure – et au cœur tendre.
-Edouard Levé, Autoportrait, P.O.L, 2005, – rééd. Poche, P.O.L, 2013
-Thomas Clerc, Intérieur, Gallimard, 2013 – rééd. Folio, 2017
-Eric Chevillard , L’Autofictif , L’Arbre vengeur, Depuis 2009